Pensées d’un jour

Joli, l’art ?

Me dit le Monsieur, « c’est un joli hobby ». Non Monsieur, c’est mon métier, je lui réponds. En fait, j’ai juste envie de l’étrangler. Il me regarde un peu surpris et continue son chemin. Joli hobby, il a dit ! Cela fait deux heures que je bosse sur une vue avec une perspective à me donner le tournis. De quoi au moins me mettre un vrai défi ce matin.

Déjà une semaine que je fais des croquis en ville. Alors j’ai droit aux lots des passants. Assis sur les marches d’escaliers, à côté de moi défilent les gentils touristes, les indifférents le nez planté sur leur natel, les pressés qui vont bosser, eux (!), les curieux qui hésitent à s’approcher et les enfants « m’man, c’est joli, hein ? «

Un artiste qui peint dans la rue, c’est sûr, cela fait exotique, poétique, bucolique, mélancolique, idyllique, tout ce que vous voulez, mais pour sûr, ce n’est pas un métier.

Alors ce matin, je l’ai en travers ce « joli ». Alors même si un artiste ça galère et que mon croquis n’est qu’un croquis, l’adjectif adéquat n’est pas « joli » !

Après de trop long mois de pause, je travaille enfin. Je suis fière de le dire, sur une nouvelle idée, où je cherche comment je vais transmettre avec des couleurs et des formes le bruit de la ville. Enfin, ça c’est juste le début du fil que je vais dérouler gentiment et qui va m’amener quelque part jusqu’à ce que vienne une toile, une œuvre d’art. Laquelle et comment, je n’en ai pas la moindre idée, mais au moins, je suis de retour à l’atelier.

Et ce petit texte, joli ou pas, utile ou pas, me permet de défouler ma mauvaise humeur.

Mais ce matin, je retourne dessiner et tout tourne dans ma tête, en boucle, comme un refrain maudit « C’est un joli hobby ». Lorsque une jeune femme monte l’escalier de la gare où je suis perchée et prononce ces mots : « Vous êtes belle Madame ». Je la dévisage tellement surprise, je scrute son regard. Non, non, elle ne se moque pas de moi, elle est sincère. Elle a déjà passé son chemin, je l’observe prendre son bus et décide de retourner ses mots empreints de vie dans ma tête. Je reprends le dessin de ma perspective tout autant compliquée que hier, mais avec une tout autre perspective sur ma vie.

Solange Berger
Août 2023


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